A l’été 2013, une partie de la société turque se mobilise pour sauvegarder « Gezi Park », lieu hautement historique et symbolique d’Istanbul dont le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, alors premier ministre, annonce la destruction au profit d’un centre commercial.
Les luttes environnementales, sociales, et idéologiques convergent contre la politique islamo-conservatrice du gouvernement et de nombreux espoirs naissent chez une partie de la population turque. La lutte est inégale et sévèrement réprimée, une dizaine de personnes sont tuées et plusieurs milliers sont blessées, mais cette mobilisation reste un point marquant de l’histoire contemporaine de la Turquie et marque encore de nombreux esprits.
Cinq ans plus tard, l’enthousiasme suscité par ce que certains qualifient comme «un moment de grâce» est retombé, à tel point qu’on se demande si il a réellement existé. La politique sécuritaire et conservatrice menée par Erdogan, maintenant président, et son parti l’AKP s’est encore durcie depuis le coup d’état raté du 15 juillet 2016. Les purges dans les université et les médias se poursuivent, le contrôle policier sur la population s’accroît au nom de la lutte contre le terrorisme et une crise économique importante semble se profiler à l’horizon.
Un certain nombre de Turcs regardent ces phénomènes à l’œuvre avec fatalisme. Ils n’y adhèrent pas mais ne savent pas comment s’y opposer et voient leurs perspectives et leurs espoirs se réduire peu à peu.
Portrait d’une dizaine d’entre eux et des répercussions de ce système sur leur vie quotidienne que ce soit en terme de libertés individuelles, d’économie ou de vie professionnelle.
Çelik, 41 ans, militant
Istanbul, Turquie - 2018
« J’ai démissionné de ce putain de capitalisme à Gezi. Ça a été une des décisions les plus importantes de ma vie »
Ömer, 33 ans, urbaniste
Istanbul, Turquie - 2018
« Ce n’est pas le gouvernement qui travaille pour le peuple, c’est le peuple qui travaille pour le gouvernement »
Irem, 45 ans, journaliste
Istanbul, Turquie - 2018
« Aujourd’hui, on peut faire 6 mois de prison pour un tweet »
Tarkan, 41 ans, gérant d'un café
Istanbul, Turquie - 2018
« On est poussés dehors et les soutiens du gouvernement rachètent le foncier en sous-main »
Esra, 32 ans, conservatrice du patrimoine
Istanbul, Turquie - 2018
« On est la première génération à être confrontée de manière si violente au changement »
Naci, 30 ans, étudiant en sociologie
Istanbul, Turquie - 2018
« J’ai honte de voir comment les valeurs de l’Islam sont bafouées dans mon pays »
Audrey, 27 ans, architecte
Istanbul, Turquie - 2018
« Je ne retrouve pas la Turquie que j’avais quittée »
Alp, 35 ans, designer
Istanbul, Turquie - 2018
« La situation est devenue totalement surréaliste, plus rien n’a de sens »
Ibrahim, 32 ans, trader
Istanbul, Turquie - 2018
« Chacun essaye de trouver une voie de sortie. Pour moi, la crise peut être une opportunité »
Halil, 38 ans, documentariste
Istanbul, Turquie - 2018
« Il n’y a aucun avenir pour la culture en Turquie »