L’Ocean Viking est un navire de recherche et de sauvetage en mer affrété depuis le mois d’avril 2019 par l'ONG SOS Méditerranée. Il a remplacé le désormais célèbre Aquarius dont l’ONG a dû se séparer suite à de nombreux blocages politiques et administratifs après avoir sillonné la Méditerranée à son bord 3 années durant.
J'ai eu l'occasion de couvrir la onzième rotation en Méditerranée Centrale de l'Ocean Viking. Elle s'est déroulée pendant plusieurs semaines au mois de mars 2021. Elle a donné lieu au sauvetage de 116 personnes, hommes, femmes et enfants fuyant la Libye, qui ont pu être débarquées dans le port d'Augusta en Sicile.
Marqué par cette première expérience en mer, je décide de poursuivre ce reportage pour le transformer en sujet au long cours. J'embarque une seconde fois en 2022 et une nouvelle fois en 2023 afin de continuer à documenter les drames humains qui se déroulent loin des regards en Méditerranée Centrale.
Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations, plus de 20 000 personnes ont perdu la vie en Méditerranée depuis 2014, faisant de cette route migratoire la plus mortelle au monde. La situation a beaucoup évolué en Méditerranée Centrale au cours de la dernière décennie. En 2013, l’opération militaro-humanitaire Mare Nostrum, portée par l’Italie est lancée avec d’importants moyens. Elle est déployée suite à un naufrage qui a coûté la vie à près de 400 personnes au large de Lampedusa. Mare Nostrum permettra de porter secours à environ 100 000 personnes en moins d’un an. Mais elle s’interrompt aussi vite qu’elle a été déployée et laisse la place à des opérations aux moyens bien moindres. En 2017, les ONG avaient assuré 41% des sauvetages en mer loin devant les garde-côtes italiens et les opérations de Frontex.
Depuis 2018, la mission de coordination de recherche et de sauvetage assurée jusqu’alors par l’Italie a été confiée à la Libye, pays ravagé par la guerre. « Globalement, les autorités libyennes ne relayent pas les appels de détresse. Et quand nous les informons d’une situation de détresse, soit elles ne nous répondent pas, soit elles ne parlent pas anglais alors que c’est une obligation », dénonce Laurence, porte-parole de SOS Méditerranée. Il semble en effet que la Libye, point de départ de nombreuses embarcations, vise moins à se coordonner avec les ONG pour sauver des vies qu’à arraisonner les embarcations qui essaient de quitter sa zone. Ce qui signifie un retour vers l’horreur.
Plus de 60 000 hommes, femmes et enfants ont été interceptés en mer et renvoyés en Libye depuis 2016. Celles et ceux qui sont placés dans des centres de rétention sont « détenus dans des conditions inhumaines, voir mortellement dangereuses », dénonce Amnesty International. Au total, ce sont plus de 32000 personnes qui ont été secourues par SOS Méditerranée depuis sa création en 2015.
- Publications -
Ce reportage a été publié dans les magazines Femmes ici et ailleurs, La chronique d'Amnesty International et Le Monde des Ados