SEARCH & RESCUE
L’Ocean Viking est un navire de recherche et de sauvetage en mer affrété depuis avril 2019 par l’ONG SOS Méditerranée. Il a remplacé le célèbre Aquarius dont l’ONG a dû se séparer suite à de nombreux blocages politiques et administratifs après avoir sillonné la Méditerra- née à son bord trois années durant.
J’ai eu l’occasion de documenter la onzième rotation en Méditerranée Centrale de l’Ocean Viking. Elle s’est déroulée au mois de mars 2021 et a donné lieu au sauvetage de 116 per- sonnes, hommes, femmes et enfants fuyant la Libye. Ils ont pu être débarquées en sécurité dans le port d’Augusta en Sicile.
Marqué par cette première expérience en mer, je décide de poursuivre ce reportage pour le transformer en sujet au long cours. J’embarque une seconde fois en 2022 et deux nouvelles fois en 2023 afin de continuer à documenter les drames humains qui se déroulent loin des regards en Méditerranée Centrale.
L’équipage de l’Ocean Viking est constitué de trois équipes : La SAR Team composée des marins-sauveteurs, la Medical Team de médecins, infirmiers et sages-femmes et enfin la Care Team, de médiateurs culturels et traducteurs.
De nombreux entraînements ont lieu, de jour comme de nuit, afin que les équipes soient le plus opérationnelles possibles quand une intervention sera nécessaire. Tous les scénarios possibles sont passés en revue et répétés inlassablement.

La veille aux jumelles e est un des principaux moyen permettant d’identifier les embarcations en détresse en mer. Même si de nombreux outils plus technologiques sont disponibles à bord, ce dispositif dérisoire est pourtant le plus efficace pour repérer de petites embarcations qui n’apparaissent souvent pas sur les radars.
L’Ocean Viking patrouille dans les eaux internationales au large de la Libye. Le pays en guerre depuis des années et en proie aux milices est un des principaux point de départ vers l’Europe des exilés.

Les bateaux pneumatiques sont les embarcations les plus souvent empruntées par les candidats à l’exil. Totalement impropres à la navigation en haute mer, elles voient souvent s’entasser des centaines de personnes qui peuvent à peine bouger à bord. Sans eau, sans nourriture, souvent sans gilets de sauvetage et avec peu de carburant, les chances de ces embarcations de rejoindre la terre ferme par elles même sont proches du néant. On estime que plus de 3000 personnes perdent la vie en essayant de traverser la Méditerranée chaque année mais il ne s’agit que d’estimations. Le nombre réel de décès pourrait bien être beaucoup plus important.
Les personnes les plus vulnérables à commencer par celles blessées, les enfants puis les femmes sont évacuées progressivement vers le bateau mère.

Les sauvetages de nuit sont particulièrement complexes. Chaque situation est unique et demande d’appliquer un mode opératoire bien particulier. Une erreur peut très vite s’avérer tragique dans des situations éminemment critique. C’est pour cela que des entraînements théoriques comme pratique ont lieu de manière incessante.
À bord, une sage-femme est présente pour prendre en charge les enfants en bas âge et leurs mères. Elle s’occupe aussi des femmes qui ont pour beaucoup été victimes de violences sexuelles sur leur route migratoire.
Les récits concernant les conditions de vie en Libye sont unanimes : détention arbitraire, demandes de rançons, torture et viols sont racontés par de nombreux rescapés.

Le bateau dispose d’une clinique à son bord pour gérer les cas médicaux courant mais elle ne peut pas faire face aux urgences plus importantes. Des évacuations sanitaires ont parfois lieu, par la mer ou par les airs, quand la santé des rescapés est en danger et que les moyens du bord ne permettent pas de les soigner correctement.
À bord de l’Ocean Viking, les femmes et les enfants disposent d’un espace qui leur est dédié. Aucun homme, même membre de l’équipage n’y entre.

Sur le pont du bateau, des dessins et une carte de l’Europe. Celle-ci est souvent scrutée, avec autant de sourire que d’inquiétudes par ceux qui, quelques jours ou quelques heures auparavant, ne savaient pas si ils allaient survivre à leur tentative de traversée.


Un sauvetage est considéré comme terminé une fois que les rescapés ont débarqué dans un port sûr. Une fois arrivés à terre, ce sont d’autres organisations telles que la Croix Rouge Italienne qui prendront le relais de l’accompagnement des personnes secourues. Et un nouveau chapitre, non dénué de difficultés, s’ouvre pour elles.